Voyager en autotour à Cuba, ce n’est pas seulement louer une voiture et avaler des kilomètres de bitume. C’est aussi savoir quand poser les clés, ralentir le rythme et emprunter les mêmes moyens de transport que les locaux. Le train Hershey, entre La Havane et Matanzas, fait partie de ces expériences qui complètent parfaitement un road trip. Ancien train électrique d’époque américaine, lent, bringuebalant mais authentique, il offre un aperçu très concret de la vie quotidienne en dehors des circuits balisés.
Comprendre le train Hershey : un vestige vivant de l’histoire cubaine
Un train construit pour le sucre, utilisé aujourd’hui par les voyageurs curieux
Le train Hershey a été construit au début du XXe siècle par la société américaine Hershey, qui exploitait alors des plantations de canne à sucre et une sucrerie dans la région. La ligne relie encore aujourd’hui Casablanca (juste en face de La Havane, de l’autre côté de la baie) à Matanzas, en passant par le village d’Hershey qui a donné son nom au train.
Sur un itinéraire d’environ 90 km, le train traverse des paysages ruraux, des villages figés dans le temps, des plantations et quelques zones industrielles. Loin d’être une ligne touristique, c’est à la base un moyen de transport local, utilisé par les Cubains pour se rendre au travail, à l’école ou en ville.
Pour un voyageur en autotour, monter dans ce train, c’est :
- changer totalement de rythme après plusieurs jours de conduite sur les routes cubaines ;
- observer le quotidien des habitants dans un environnement non mis en scène pour les touristes ;
- accéder à des villages que l’on ne visiterait pas spontanément en voiture ;
- ajouter une dimension « terrain » à un itinéraire souvent centré sur les grandes villes et les plages.
Un matériel ancien, des pannes fréquentes… mais une vraie personnalité
Le train Hershey est célèbre pour son aspect vintage : voitures métalliques vieillissantes, banquettes usées, ventilation sommaire, électricité capricieuse. L’ensemble est loin des standards de confort modernes, mais c’est précisément ce qui fait son intérêt.
À garder en tête :
- la vitesse moyenne est très faible : comptez entre 3 et 4 heures pour relier Casablanca à Matanzas ;
- les arrêts sont nombreux, parfois improvisés, pour faire monter ou descendre des passagers ;
- les conditions techniques sont incertaines : retards, suppressions ou pannes peuvent survenir sans avertissement préalable.
Dans une logique d’autotour, il faut donc intégrer ce train comme une expérience à part entière, et non comme un simple moyen de transport fiable à 100 % pour être à l’heure à un rendez-vous précis.
Horaires, fréquence, tarifs : ce qu’il faut savoir avant de monter à bord
Horaires théoriques vs réalité du terrain
Les horaires du train Hershey varient régulièrement, et la documentation en ligne est souvent obsolète. En théorie, la ligne fonctionne plusieurs fois par jour entre Casablanca et Matanzas, avec des départs matin et après-midi. En pratique :
- certains jours, le train ne circule pas sur tout l’itinéraire, ou s’arrête à un terminus intermédiaire ;
- des interruptions de service peuvent survenir pour des raisons techniques (pannes, travaux, pénurie de pièces) ;
- les retards de plus d’une heure ne sont pas rares.
Le meilleur réflexe est de vérifier les informations une fois sur place :
- à la gare de Casablanca, en demandant directement au guichet ou aux employés ;
- à votre hébergement à La Havane ou à Matanzas, dont les propriétaires ont souvent des informations récentes ;
- en vous renseignant la veille pour le lendemain, et pas plusieurs semaines à l’avance.
Par expérience, il est plus judicieux de prévoir le train Hershey sur une demi-journée entière, voire la journée complète, afin de ne pas être pris de court par un changement de dernière minute.
Où prendre le train : Casablanca, Hershey, Matanzas
Côté La Havane, le point de départ n’est pas la gare centrale, mais la petite gare de Casablanca, accessible en traversant la baie :
- depuis La Vieille Havane, on rejoint le terminal des ferries (La Lanchita) ;
- de là, un petit bateau permet de traverser jusqu’à Casablanca en quelques minutes ;
- la gare de train se trouve à quelques pas du débarcadère.
Il est également possible d’embarquer à :
- Hershey (Camilo Cienfuegos) : le village historique au milieu de la ligne, accessible en voiture depuis l’autoroute La Havane–Matanzas ;
- Matanzas : la gare de Matanzas est le terminus côté Est, pratique si vous circulez en autotour entre Varadero, Matanzas et La Havane.
Intégrer le train Hershey dans un road trip revient souvent à :
- laisser temporairement la voiture à La Havane ou Matanzas ;
- faire un aller simple en train, puis revenir en taxi collectif ou en bus ;
- ou l’inverse, selon la façon dont vous structurez votre itinéraire.
Tarifs et paiement sur place
Les tarifs du train Hershey restent très bas par rapport aux standards européens, mais il existe souvent une différence entre le prix pour les locaux et celui pour les touristes. Les montants peuvent évoluer rapidement avec les changements monétaires à Cuba, mais en pratique :
- attendez-vous à un billet très bon marché pour un aller simple (souvent l’équivalent de quelques euros) ;
- le paiement se fait généralement en monnaie locale, l’utilisation d’euros ou de dollars étant possible au cas par cas, selon la situation ;
- prévoyez toujours de la petite monnaie et des billets de faible valeur.
Ne comptez pas sur le paiement par carte bancaire : sur cette ligne, tout se règle en espèces. Conservez également vos billets jusqu’à la fin du trajet, des contrôles intermédiaires pouvant avoir lieu.
Ambiance à bord : une immersion dans le quotidien cubain
À quoi ressemble un trajet typique
Une fois à bord, le train Hershey vous plonge immédiatement dans une ambiance très locale :
- sièges en bois ou en métal, parfois réaménagés de manière artisanale ;
- fenêtres ouvertes pour ventiler, avec poussière, bruit, et parfois des odeurs de campagne ou d’industrie selon la zone traversée ;
- passagers qui montent et descendent avec des sacs, des cartons, parfois même des animaux ;
- musique diffusée sur un téléphone portable, conversations animées, silence relatif seulement dans les rares moments où le train gagne un peu de vitesse.
Ce n’est pas un trajet reposant au sens classique du terme, mais c’est une expérience très concrète, qui tranche avec l’ambiance plus aseptisée d’une voiture de location climatisée. On est ici dans un rythme de transport collectif, avec ses imprévus et ses imprécisions.
Conseils pratiques pour mieux vivre le trajet
Pour intégrer le train Hershey dans votre voyage en gardant une approche pragmatique, quelques précautions sont utiles :
- Hydratation et snacks : emportez de l’eau et quelque chose à grignoter, car les stands de nourriture ne sont pas garantis aux petites gares.
- Protection contre la chaleur : un éventail, un chapeau ou une casquette, et éventuellement un t-shirt de rechange si vous supportez mal la chaleur.
- Objets de valeur : comme dans tout transport collectif, gardez vos effets personnels contre vous, sans paranoïa mais avec bon sens.
- Vêtements pratiques : évitez les vêtements trop clairs qui marquent facilement la poussière, privilégiez le confortable.
- Flexibilité horaire : ne prévoyez pas de contrainte forte juste après le trajet (activité réservée, longue étape de route dans la foulée, etc.).
Si vous voyagez en famille, le train peut être une expérience marquante pour les enfants, mais gardez en tête :
- la durée parfois rallongée du trajet, qui peut générer de l’impatience ;
- l’absence de commodités modernes (pas de climatisation, toilettes basiques ou inexistantes selon la voiture) ;
- la nécessité de garder un œil constant sur les plus jeunes à proximité des portes et des fenêtres ouvertes.
Photographie et interaction avec les locaux
Le train Hershey est un cadre très photogénique, mais la priorité reste le respect des personnes. Avant de photographier des passagers de près, il est préférable de demander l’autorisation, même avec un simple geste et un sourire. Beaucoup accepteront volontiers, certains engageront la conversation.
Un niveau minimum d’espagnol est un plus pour échanger quelques mots avec les Cubains à bord : questions sur votre itinéraire, sur la vie en France, sur votre perception de Cuba. Ces échanges sont souvent plus authentiques que ceux que l’on peut avoir dans les zones très touristiques.
Arrêts méconnus et points d’intérêt le long de la ligne
Le village d’Hershey (Camilo Cienfuegos)
Le stop le plus marquant reste le village d’Hershey, rebaptisé Camilo Cienfuegos, situé à mi-chemin entre La Havane et Matanzas. Fondé autour de la sucrerie et de la ligne de chemin de fer, il conserve encore aujourd’hui :
- des bâtiments d’époque américaine, à l’architecture simple mais identifiable ;
- les vestiges des installations industrielles liées au sucre ;
- une atmosphère de village ouvrier figé dans le temps.
Vous pouvez y descendre pour :
- explorer à pied les rues principales, sans programme trop chargé ;
- observer les maisons, les places, les habitations modestes mais vivantes ;
- discuter avec les habitants, souvent surpris mais bienveillants envers les visiteurs étrangers.
Depuis Hershey, il est possible de reprendre un train ultérieur dans un sens ou dans l’autre, à condition d’accepter une certaine incertitude sur l’horaire exact de passage.
Petites gares rurales : une fenêtre sur la campagne cubaine
Entre Casablanca, Hershey et Matanzas, la ligne traverse de nombreuses petites stations et haltes, souvent réduites à un simple quai et un abri sommaire. Ces arrêts permettent d’apercevoir :
- la vie agricole quotidienne : champs de canne à sucre, cultures vivrières, bétail ;
- des habitations très modestes, parfois construites de manière informelle ;
- des scènes de vie courante : enfants en uniforme scolaire, vendeurs ambulants, travailleurs se rendant en ville.
La plupart de ces stations ne justifient pas un arrêt prolongé dans le cadre d’un autotour classique, mais le simple fait de les traverser en train permet de compléter la vision plus « propre » que l’on a de Cuba en circulant seulement sur les grands axes routiers.
Perspectives sur Matanzas et ses environs
Côté Est, l’arrivée à Matanzas offre une alternative intéressante aux trajets routiers directs vers Varadero :
- Matanzas est une ville portuaire secondaire, souvent délaissée par les circuits standards ;
- son architecture, ses ponts et son relief vallonné offrent un contraste réel avec La Havane ;
- depuis Matanzas, vous pouvez soit récupérer votre voiture, soit rejoindre Varadero par la route en taxi ou bus.
Pour un voyageur en autotour, programmer une nuit à Matanzas après le trajet en train peut être judicieux, afin de ne pas enchaîner immédiatement avec de longues heures de route et de bénéficier d’une soirée tranquille en ville.
Intégrer le train Hershey dans un autotour à Cuba
Scénarios concrets d’itinéraires
Plutôt que de vouloir absolument « caser » le train Hershey dans n’importe quel parcours, il est plus efficace de l’intégrer dans un itinéraire cohérent. Voici quelques scénarios qui fonctionnent bien :
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Scénario 1 : boucle La Havane – Matanzas – Varadero
- Jour 1-3 : visite de La Havane avec voiture laissée au parking ou prise en charge plus tard.
- Jour 4 : trajet La Havane (Casablanca) – Matanzas en train Hershey, nuit à Matanzas.
- Jour 5 : récupération d’une voiture à Matanzas ou poursuite en taxi/bus vers Varadero.
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Scénario 2 : road trip depuis La Havane vers l’Est
- Jour 1-2 : La Havane, prise en main de la voiture.
- Jour 3 : route vers Matanzas, dépôt de la voiture (si possible) et trajet retour Matanzas – Hershey – Casablanca en train.
- Jour 4 : nouvelle journée à La Havane, puis reprise de la voiture pour continuer vers l’Est.
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Scénario 3 : focus sur la région de Matanzas
- Base à Varadero ou Matanzas.
- Excursion d’une journée : route tôt le matin jusqu’à Hershey, train vers Casablanca puis retour en taxi ou en bus.
- Adapté aux voyageurs qui veulent une immersion courte mais marquante, sans forcément traverser tout le pays.
Dans chaque cas, le train n’est pas un élément purement logistique, mais une activité à part entière. Il faut l’aborder comme un temps d’observation et de découverte, non comme une simple liaison entre deux étapes.
Points de vigilance pour les voyageurs en voiture
Quand on voyage en autotour, le principal piège est de sous-estimer le temps et la fatigue liés aux déplacements. Intégrer le train Hershey peut justement servir de « pause » dans votre enchaînement de kilomètres, à condition de bien anticiper :
- La gestion de la voiture de location : éviter de la laisser trop longtemps sur un parking isolé, privilégier un hébergement avec parking sécurisé si vous partez en train pour plusieurs heures.
- Les horaires de prise et de restitution : adapter votre contrat de location pour ne pas payer une journée complète pendant laquelle la voiture reste inutilisée, si vous avez un long trajet en train prévu.
- La fatigue globale du séjour : caler le train Hershey après quelques jours de route intensive peut être un bon moyen de souffler, mais évitez de le faire juste avant une très longue étape de conduite.
Sur le blog, j’aborde plus largement la question des liaisons ferroviaires sur l’île et la manière de les combiner avec un road trip dans notre article spécialisé sur les trajets en train à Cuba, utile si vous envisagez d’autres segments en train en complément de la voiture.
Pour quel type de voyageur le train Hershey est-il adapté ?
Le train Hershey conviendra particulièrement :
- aux voyageurs qui privilégient l’authenticité et acceptent l’imprévu ;
- à ceux qui souhaitent observer le pays au-delà des villes coloniales et des plages ;
- aux adeptes de voyages lents, prêts à consacrer une demi-journée ou plus à un simple trajet.
En revanche, il sera moins adapté :
- à ceux qui voyagent avec un planning très serré, sans marge de manœuvre ;
- aux personnes qui recherchent un niveau de confort élevé et une climatisation permanente ;
- aux voyageurs très anxieux face aux imprévus horaires ou techniques.
Intégré intelligemment dans un itinéraire en autotour, le train Hershey permet de rééquilibrer un road trip parfois trop axé sur la voiture et les grands axes, en offrant une immersion plus brute et plus locale. Pour beaucoup de voyageurs, ce sera l’un des souvenirs les plus marquants du séjour à Cuba, justement parce qu’il se situe à l’opposé des expériences standardisées.