Quand on réserve un séjour à Sharm el Sheikh, on se concentre souvent sur la plage, le récif corallien et le « all inclusive ». Mais derrière les photos parfaites des brochures, la réalité du fonctionnement des hôtels est plus nuancée. En tant que voyageur habitué des circuits en autotour, j’ai pris le temps d’observer les coulisses : organisation interne, gestion des chambres, pourboires, services payants cachés, excursions vendues à la chaîne… Tout ce qui peut impacter concrètement votre séjour et votre budget.
Comment fonctionne vraiment un grand hôtel à Sharm el Sheikh
Des hôtels-usines dimensionnés pour le tourisme de masse
À Sharm el Sheikh, une grande partie des établissements sont de véritables complexes, parfois avec plus de 400 ou 500 chambres. Cela a des conséquences directes sur votre expérience :
- Check-in et check-out de masse : les arrivées sont souvent groupées selon les vols charters. Résultat : files d’attente à la réception, surtout en fin de journée. Il n’est pas rare d’attendre 30 à 45 minutes avant de récupérer sa clé.
- Standardisation maximale : l’objectif principal des hôtels est de gérer un flux important, pas de personnaliser chaque séjour. Les procédures sont très cadrées : horaires de repas fixes, zones bien définies pour chaque type de client (familles, couples, groupes).
- Sous-traitance de certains services : spa, plongée, animation nautique, boutiques dans l’enceinte de l’hôtel sont souvent opérés par des entreprises extérieures avec leurs propres objectifs commerciaux.
Si vous êtes habitué à l’autonomie en voyage et aux petites structures, cette dimension « usine à touristes » peut surprendre. L’enjeu est de savoir s’adapter au fonctionnement interne pour éviter les frustrations inutiles.
Attribution des chambres : ce que personne ne vous explique
La répartition des chambres n’est jamais totalement aléatoire. Plusieurs facteurs entrent en jeu :
- Type de réservation : les clients d’agences partenaires ou de tour-opérateurs historiques peuvent être avantagés (meilleures vues, chambres rénovées en priorité).
- Arrivée dans la journée : ceux qui arrivent tôt ont plus de chances de récupérer une chambre conforme à la catégorie réservée. En cas de surbooking, les arrivées tardives sont les plus exposées aux « solutions de repli ».
- Gestion discrète des réclamations : les chambres proches des zones techniques (groupes électrogènes, routes internes, locaux de service) sont généralement attribuées à ceux qui n’ont pas fait de demande particulière, ou aux clients d’une nuit seulement.
Il est tout à fait accepté (et souvent efficace) de demander un changement de chambre dès la première visite, si le bruit ou l’état de la pièce ne vous convient pas. Plus vous formulez la demande tôt et de manière précise, plus vos chances augmentent.
Les équipes : qui fait quoi en coulisses ?
Pour comprendre le rythme de l’hôtel, il faut savoir comment se répartissent les rôles :
- Housekeeping (femmes et hommes de ménage) : ils suivent un planning dense, avec un nombre important de chambres à gérer par jour. Les horaires de passage sont souvent concentrés entre 9h et 15h.
- Maintenance : équipe souvent réduite au regard de la taille du complexe. Résultat : les petites pannes (clim, chasse d’eau, lampe grillée) peuvent mettre du temps à être traitées si vous ne relancez pas.
- Service en salle : très sollicité aux heures de pointe, il se concentre en priorité sur les groupes et les zones où les pourboires sont les plus probables (tables « réservées », habitués, clients de suites).
- Réception : filtre principal. Toute demande urgente (problème de chambre, de facture, de transfert) doit passer par là, avec parfois plusieurs intermédiaires avant d’être résolue.
Connaître cette organisation aide à savoir à qui parler selon le problème rencontré, et à quels moments de la journée éviter de faire vos demandes (par exemple, juste avant l’heure du dîner ou pendant les arrivées massives).
All inclusive, surclassements et extras : ce que vous ne verrez pas dans la brochure
Le « all inclusive » a des limites très précises
Le terme « all inclusive » laisse penser que tout est compris, mais dans la pratique, les limites sont nombreuses :
- Plages horaires : certaines boissons ou snacks ne sont disponibles qu’à des heures spécifiques. En dehors, tout devient payant. Il est courant que le « all inclusive » ne couvre pas les boissons après 23h.
- Marques de boissons : les alcools internationaux sont souvent exclus. Vous aurez accès à des alcools locaux inclus, mais les marques connues (whisky de grande marque, rhum importé) sont payantes.
- Restaurants à la carte : en général, 1 ou 2 repas peuvent être inclus pour un séjour d’une semaine, avec obligation de réserver plusieurs jours à l’avance. Les visites supplémentaires sont facturées.
- Espaces « premium » : certaines zones, comme des lounges privés, des piscines réservées ou des plages « VIP » sont accessibles uniquement avec un supplément ou une catégorie de chambre supérieure.
Avant de réserver, il est utile d’examiner en détail ce qui est réellement inclus, et de budgéter un petit supplément quotidien pour les extras non prévus (glaces, cafés de qualité, bouteilles d’eau supplémentaires, snacks en dehors des heures).
Stratégies discrètes autour des surclassements
Les surclassements ne tombent jamais du ciel. Plusieurs mécaniques sont en jeu :
- Surbooking calculé : certains hôtels vendent plus de chambres standard qu’ils n’en ont réellement, en anticipant les annulations. Quand tout le monde se présente, des surclassements sont proposés aux premiers arrivés… ou aux plus insistants.
- Chambres « vitrines » : quelques chambres récemment rénovées servent de référence marketing. Elles sont utilisées pour les photos en ligne et réservées à certains partenaires ou clients récurrents.
- Négociation sur place : il est possible, en basse saison particulièrement, d’obtenir un surclassement à prix réduit en le demandant poliment lors du check-in et en posant une question précise : « Avez-vous une chambre plus calme / rénovée / avec vue mer, moyennant un supplément raisonnable ? ».
Si vous voyagez dans le cadre d’un road trip plus large en Égypte, la question du temps passé dans la chambre est clé : inutile de surpayer pour une vue mer si vous prévoyez d’être en excursion toute la journée.
Extras et frais cachés fréquents
Au-delà du forfait, certains frais reviennent très souvent :
- Coffre-fort : parfois payant à la journée, surtout dans les catégories d’entrée de gamme.
- Wi-Fi : connexion gratuite limitée au lobby, payante pour un meilleur débit ou pour plusieurs appareils en chambre.
- Navette pour la « vraie » plage : dans certains hôtels, l’accès direct à la mer est impossible ou restreint, et l’on vous vend une navette vers une plage partenaire avec supplément pour transats et consommations.
- Serviettes de plage perdues : une carte de serviette non rendue peut être facturée (souvent à un tarif élevé pour dissuader les pertes).
- Late check-out : si votre vol est en soirée, garder la chambre après midi est presque toujours payant, avec un tarif à négocier à l’avance.
L’important est de demander dès l’arrivée ce qui est payant ou non, et de le faire confirmer, idéalement par écrit (par exemple sur le livret d’accueil ou via un petit mémo remis à la réception).
Hygiène, eau et alimentation : la face moins glamour du séjour
Buffets XXL : qualité variable selon les horaires
Les buffets impressionnants sont un argument commercial fort, mais leur fonctionnement demande quelques précautions :
- Heure de pointe à éviter : en début de service, les plats sont plus frais et mieux présentés. En plein rush, le renouvellement peut être moins rigoureux, surtout sur les zones froides (salades, desserts).
- Ruses pour limiter le gaspillage : certains hôtels reconditionnent des éléments d’un service à l’autre (par exemple, légumes transformés en salade le lendemain). Cela n’est pas forcément dangereux, mais il faut être attentif à l’aspect et à la température.
- Postes sensibles : sauces froides, mayonnaise, produits laitiers laissés longtemps à température ambiante sont les plus à risque pour l’estomac.
Pour limiter les désagréments digestifs, mieux vaut privilégier les plats cuits devant vous (pâtes, grillades, planchas) et éviter les mélanges froids trop complexes, surtout au début du séjour.
L’eau et la question de la « tourista »
À Sharm el Sheikh, l’eau du robinet n’est pas potable pour un voyageur étranger non habitué. Les hôtels en sont conscients, mais quelques points restent rarement expliqués clairement :
- Glace dans les boissons : dans les grands hôtels, la glace provient en général d’eau traitée, mais ce n’est pas une garantie absolue. Lors des premières 24 à 48 heures, limiter la glace est une précaution raisonnable.
- Se brosser les dents : beaucoup de voyageurs utilisent l’eau du robinet sans problème, mais si vous êtes sensible, utilisez de l’eau en bouteille pour les premiers jours.
- Fruits et crudités : les légumes crus mal rincés ou manipulés longtemps à température ambiante sont une source classique de troubles digestifs.
Emporter quelques médicaments basiques contre les troubles intestinaux et une solution de réhydratation orale est une bonne pratique, surtout si votre séjour à l’hôtel s’inscrit dans un itinéraire plus long en voiture autour de la mer Rouge ou du Sinaï.
Chambres et nuisibles : ce que les photos ne montrent pas
Les hôtels font des efforts réels de maintenance, mais certains points sont plus sensibles :
- Moustiques et insectes : selon la saison et la localisation (proximité de jardins arrosés, bassins), vous pouvez avoir quelques visiteurs. Un spray anti-moustiques et, si possible, une prise répulsive sont utiles.
- Humidité et climatisation : la clim fonctionne souvent en continu. Dans certaines chambres, l’entretien des filtres laisse à désirer, ce qui peut provoquer une sensation d’air « vicié » ou des petits soucis respiratoires chez les plus sensibles.
- Propreté des textiles : draps et serviettes sont lavés, mais les couvre-lits ou rideaux sont moins fréquemment entretenus. Si vous êtes allergique, un simple plaid ou drap de sac personnel peut apporter un confort supplémentaire.
N’hésitez pas à signaler immédiatement un problème d’hygiène. Les hôtels craignent beaucoup les avis négatifs en ligne et sont souvent réactifs lorsqu’un client insiste calmement, surtout si vous mentionnez un risque sanitaire (odeur d’humidité, traces suspectes, présence d’insectes dans la chambre).
Pourboires, animations et excursions : les vraies règles du jeu
La réalité des pourboires dans les hôtels de Sharm
Le système de pourboires fait partie intégrante de l’économie locale. Ce que les brochures ne disent pas :
- Salaires de base bas : une partie significative du revenu des employés provient des pourboires. Ils comptent dessus, ce qui explique parfois une insistance ou une humeur variable selon la générosité des clients.
- Pourboires ciblés et efficaces : plutôt que de petites pièces éparpillées, donner un billet de temps en temps à des personnes-clés (serveur qui s’occupe souvent de votre table, personne en charge de votre étage, barman principal) est plus efficace pour améliorer votre confort.
- Montants indicatifs : sans extravagance, prévoir l’équivalent de 1 à 3 € par jour pour la chambre, et quelques billets pour le service en salle à répartir sur le séjour permet de rester dans une approche respectueuse sans exploser le budget.
Garder de petits billets en monnaie locale à portée de main est pratique, surtout si votre séjour à l’hôtel est une étape dans un voyage plus large en Égypte.
Animations, activités et pression commerciale
Les grands hôtels misent beaucoup sur leur programme d’animation :
- Animations diurnes : aquagym, jeux en piscine, cours de danse, activités pour enfants. Elles sont généralement incluses, mais parfois utilisées comme prétexte pour vendre ensuite des photos, des excursions ou des services additionnels.
- Soirées : spectacles récurrents (danse orientale, derviches tourneurs, musique live). La qualité est très variable, mais l’objectif reste souvent de vous garder dans l’enceinte de l’hôtel plutôt que de vous laisser explorer les environs.
- Offres « spéciales » répétitives : sessions photo, séances spa « réduction aujourd’hui seulement », ventes d’excursions au micro… C’est une mécanique bien rodée.
Rien n’oblige à participer ni à acheter. Fixer dès le départ ce que vous voulez faire (et ne pas faire) évite de céder à la pression du moment, surtout si vous prévoyez votre propre itinéraire en dehors de l’hôtel.
Excursions vendues à l’hôtel : ce qu’il faut savoir avant de signer
Les excursions proposées directement dans l’établissement sont pratiques, mais pas toujours optimales :
- Surcoût lié à la commission : l’hôtel ou l’intermédiaire sur place prend sa marge. Vous payez généralement plus cher que via une agence locale indépendante ou une réservation anticipée en ligne.
- Excursions standardisées : départs en bus avec de nombreux arrêts dans des boutiques « partenaires » imposées, temps libre réduit sur le site lui-même, horaires centrés sur la logistique de groupe plutôt que sur la qualité de la visite.
- Conditions réelles : taille des groupes, langue parlée par le guide, temps de trajet et points d’arrêt intermédiaires ne sont pas toujours détaillés clairement au moment de la vente.
Pour les voyageurs qui organisent leur propre circuit en voiture ou combinent plusieurs régions, il est souvent plus efficace de préparer ses excursions en amont, ou de se référer à des retours d’expérience structurés, comme un dossier complet dédié à l’organisation d’un séjour en Égypte autour de Sharm el Sheikh, afin de comparer les options avant d’être sollicité sur place.
Anticiper son séjour à Sharm el Sheikh quand on voyage en mode « autotour »
Utiliser l’hôtel comme base logistique plutôt que comme destination finale
Si vous êtes adepte des road trips, l’hôtel peut devenir une simple base opérationnelle :
- Planifier les journées « sur place » : snorkeling, repos, observation du fonctionnement interne de l’hôtel pour repérer les bons créneaux (buffets moins chargés, plages plus calmes).
- Optimiser les journées « hors de l’hôtel » : excursions préparées à l’avance, location de voiture si les conditions le permettent, ou transferts privés pour éviter les horaires rigides des groupes.
- Ne pas surpayer l’animation : si votre objectif est d’explorer la région, un hôtel au confort correct mais sans surenchère d’animations suffit souvent.
Dans ce cas, le critère essentiel n’est pas la taille de la piscine ou le nombre de restaurants, mais la fiabilité des services de base : propreté de la chambre, flexibilité des horaires de repas, sérieux de la réception en cas de problème.
Gérer son budget avec réalisme
Les offres « tout compris » donnent parfois un faux sentiment de maîtrise du budget :
- Prévoir une enveloppe pour les extras incontournables : pourboires, quelques boissons de qualité supérieure, éventuellement un massage ou une excursion.
- Comparer le coût réel du all inclusive : si vous passez beaucoup de temps en dehors de l’hôtel, il peut être plus rentable d’opter pour une formule demi-pension, voire petit-déjeuner seulement.
- Anticiper les transferts : taxi, navette, prestations annexes peuvent vite alourdir la facture si tout est décidé au dernier moment.
L’hôtel n’est qu’un maillon de la chaîne logistique de votre voyage. Plus votre itinéraire est construit en amont, moins vous subirez la pression commerciale propre aux zones très touristiques comme Sharm el Sheikh.
Adapter ses attentes à la réalité locale
Enfin, ce que l’on ne vous dit pas dans les brochures, c’est qu’un séjour réussi à Sharm el Sheikh repose en grande partie sur la gestion de vos attentes :
- Accepter l’aspect industriel de certains complexes, tout en sachant en tirer parti (infrastructures, services disponibles 24h/24).
- Être vigilant sans tomber dans la méfiance permanente : vérifier deux fois les informations importantes (horaires, tarifs, inclusions), mais garder une marge de flexibilité.
- Se rappeler que le personnel travaille souvent dans des conditions intenses, avec des horaires longs et des flux continus de clients, ce qui explique parfois quelques lenteurs ou approximations.
Avec un peu de méthode, un regard lucide sur l’envers du décor et une organisation de voyage pensée comme un autotour (même si vous restez principalement sur Sharm el Sheikh), vous pouvez transformer un simple « séjour hôtel » en expérience maîtrisée, en gardant le contrôle sur votre temps, votre budget et votre confort.


